Défis n°2, suite : à l'abordage !

Elle court. Ses pas martèlent le sol tandis qu'elle tient les pans de sa robe bien repliés dans ses mains pour ne pas glisser dessus par inadvertance. Les robes, c'est jolie, mais ce n'est décidément pas pratique pour courir. Son souffle ne tarde pas à se faire rauque. Elle n'a pas l'habitude des activités sportives. Elle regarde les flèches, s'en sert pour se guider et ne ralentit pas, malgré ses joues rouges et la transpiration qui commence à luire sur ses tempes.

Il ne faut pas laisser les Pirates gagner ! Elle répète inlassablement la phrase dans un coin de sa tête. Cela doit bien faire trois quart d'heure que le défi à commencé si ce n'est une heure entière. Que de temps elles ont perdues dans la boutique de l'Ours ! Tout ça, c'est la faute d'Honorine, songe-t-elle amèrement. Si sa camarade n'avait pas tâché sa robe de chocolat dans un excès de gourmandise... Heureusement, il est encore temps de suivre les flèches.

* Faîtes que les Pirates n'aient pas encore trouvé la Clef * songe l'enfant alors que ses ballerines bleues foulent le sol. Elle aurait du mettre des baskets. Ses orteils crient au supplice.

Elle s'arrête essoufflée devant la Rêverie. Elle ne connait le grand bâtiment que de nom par le biais des récits d'Honorine. Les joues couleurs de pivoine, elle jette un regard anxieux sur la scène et voit Judicaëlle qui s'apprête à entrer à quatre pattes dans un tunnel. Elle fronce les sourcils et souffle quelques mots à Honorine. " Retarde la. Je...Je m'occupe de Rallen. C'est mon frère. " crache-t-elle en une expiration.

Car le Défi lui tient à coeur. C'est l'occasion ou jamais de flanquer une bonne raclée à son frangin. Son frère aimé, admiré de tous les enfants de son école, celui qui a le plus d'ami. Il va s'en prendre plein la tronche en la voyant ressortir victorieuse. Elle bouscule Judicaëlle sans aucune classe, sans même remarquer l'attelle de la gamine ni ses jolies rubans qui font penser à une Princesse. Elle ne voit en elle qu'une ennemie, rien de plus.

Rallen est déjà dans le tunnel. Elle aurait volontiers tiré son pied mais voilà, il ne dépasse pas assez. Alors elle se contente de le pousser assez violemment et s'engouffre à sa suite. Tant pis pour sa robe. Seule la Clef compte. Une fois arrivée dans la Rêverie, elle ne peut retenir un soupir d'admiration. C'est beau. Le ciel...si réaliste. Un frisson lui échappe. On se croirait face à un véritable orage. Il n'y a pas beaucoup de lumière. Un éclair lui permet de discerner l'ombre de clefs, pendues au plafond.

" Je vais gagner Rallen. Et tu vas perdre. Sale Pirate. " grogne-t-elle à l'adresse de son frère déjà debout alors qu'elle est encore assise sur le sol. Ses cheveux sont défaits et sa couronne et de travers. Tant pis. La lutte ultime à sonné.

Spoiler:

Choc. Choc violent et inattendu, choc lourd de conséquences quant à l'issue tu défis. Choc familier, aussi. Un peu trop à mon goût. Le sol moelleux rappe mes genoux, mes mains glissent d'elles-mêmes sur le tapis velouté de la Rêverie. J'atterris à l'intérieur du bâtiment, avant de m'arrêter net, voyant se dresser devant moi un plafond aux couleurs d'un ciel d'orage. Tellement grand, profond, effrayant. Tellement réaliste. Un éclaire zèbre les nuées artificielles, flamboyant, révélant à sa lumière éphémère une multitude de clés, toutes identiques, suspendues au plafond par un mince fil transparent, presque invisible. Génial, comme si j'avais besoin de ça, avec Caprice à côté de moi. Caprice ? CAPRICE ? CAPRICE ! Crotte alors ! Non ! Tout mais pas ça ! Et en plus, elle se permet de croire que je peux perdre ? Moi ? Non mais pour qui elle se prend, elle ?! Je sais bien qu'elle est toujours comme ça, mais c'est aussi la raison majeure pour laquelle je ne la supporte pas ! Prétentieuse, pourrie gâtée, et têtue comme une bourrique ! Non, ça, c'est même une insulte aux bourriques. Caprice, ou comment tuer la beauté du moment. Ou comment transformer un simple défis entre équipes en un combat à mort, destructeur et dépourvu de la moindre pitié. Caprice, ma sœur jumelle. Comme le nom est bien choisi.

« Qu'est-ce que tu crois que tu vas faire, Princesse Prout-prout ? Princesse, mon œil, oui ! T'es qu'une intello asociale et geignarde, tu pourras jamais gagner contre moi ! »

Sans plus de civilité - qui devenaient routine, parce qu'à force, on s'habitue à s'envoyer des méchancetés -, je me précipite sur elle pour l'envoyer voler contre le mur. C'est tellement facile de la mettre hors-jeu, surtout quand elle a couru cinq minutes avant. Déprimant. Je m'occuperai de son état plus tard, seul une chose compte : la Clé. Non, LA Clé. C'est évident qu'il n'y en a qu'une seule, parmi toutes celles qui sont dans cette pièce, qui constitue le trophée du défis, sinon Madame Chat nous l'aurait dit. Très bien, dans ce cas, il n'y a plus qu'une chose à faire : les attraper toutes jusqu'à trouver la bonne !

Je profite du laps de temps qu'il me reste pendant que ma jumelle est sonnée et me précipite sur tous les leurs à ma portée. Mais à chaque fois que je saisis ce qui ressemble à une Clé, celle-ci disparaît instantanément. C'est comme si elles n'avaient jamais existé ! En plus, je parie que la vraie est tout en haut, ça doit être le genre de Clé qu'on ne peut pas attraper tout seul. Évidemment, si on est deux pour ce défis, c'est pas pour rien ! Oh non, je vais avoir besoin de l'aide de Jud', mais elle n'a pas l'air de vouloir rentrer... Je vois l'énergumène survolté se relever dans un éclair de fureur bleue - Caprice, le retour.

« Même pas en rêve, Caprice, cette Clé, elle est pour les Pirates, t'as entendu ?! Compte pas sur moi pour te laisser l'avoir ! »

Malgré ma conviction que LA Clé est plus en hauteur et nécessite l'aide d'un coéquipier, je termine une rangée de copies qui s'évaporent au moindre contact, histoire de m'assurer qu'il ne s'agit pas en fait d'un double-leur. Et ouais, c'est qu'il faut réfléchir en toutes circonstances ! Plus qu'un esprit de compétition, c'est un véritable duel fraternel qui nous oppose à présent, et, plus que tout, les affaires de familles ne pardonnent pas. Je veux cette Clé, d'abord pour moi, pour ma gloire, pour mon honneur, pour mon ego, puis je la veux pour que Caprice ne l'ait pas, pour qu'elle perde, pour qu'elle soit humiliée - enfin, qu'elle ait ce qu'elle mérite, Mademoiselle je-sais-tout -, et je la veux enfin pour que l'équipe entière des Pirates ne soit pas déçue. Koro et Jud' attendent cette Clé, moi, j'attends cette Clé, trop de choses en dépendent, je ne peux pas me permettre de la perdre. Pas au profit de Caprice.

Dans un élan de furie bouillonnante et d'urgence, je saute pour faire disparaître d'autres copies, situées une rangée plus haut. Il y avait en tout quatre rangées. Je ne voyais qu'un seul moyen pour y parvenir : monter sur les épaules de quelqu'un et tendre désespérément le bras dans l'espoir d'attraper l'Ultime Clé. Jud', où es-tu ?

« JUUUUUUUD' ! J'ai besoin de toi, VITE ! »

Avec un peu de chance, elle m'entendra, car je ne peux pas me permettre de ressortir maintenant. Je l'imagine déjà aux prises avec Princesse Rin', et avec son poignet cassé, elle risque de pas être très avantagée. Judicaëlle Verdammt, s'il te plaît, traverse ce tunnel vivante et assez en état pour pouvoir attraper cette foutue Clé. Vite !

Faut espérer.

Je dois retenir Caprice. J'ai pas le choix. Je la retiendrai jusqu'à ce que tu arrives. Pour les Pirates !

HJ:

Rin' court vite.. Mais pas aussi vite que Princesse Prya. Elle non plus n'est pas une grande sportive et seule sa volonté lui fait tenir la distance. En revanche, elle tient le coup ! Princesse Rin' a toujours su se préserver. Donc elle est derrière mais moins essoufflée que sa camarade, même si ses tempes battent fort et qu'elle sent son souffle lui arracher la gorge à chaque seconde qui passe...

Arrivée au bout du chemin fléché, voici le centre ! Ce grand bâtiment qu'elle voit un peu trop à son goût depuis deux jours ! En plus, faut se trainer par terre ou presque ! Et avec sa jolie robe toute neuve en plus ! Rhaaaaa ! Ces foutues flèches ne pouvaient pas amener ailleurs ? Non ?

Et devant, il y a un des pirate. Une fille qu'elle ne connait pas. Princesse Prya lui exhorte de la retarder. D'accord... ? Mais comment ? Et... Elle est déjà bien handicapée visiblement... Princesse Rin' tout en courant hoche de la tête. Une idée derrière celle-ci que ses petits sourcils froncés annonce particulièrement tordue.

Elle bifurque, et laisse Princesse Prya s'engouffrer dans le tunnel.

Pendant ce temps, elle passe par derrière. Pas question de laisser à Jud' le temps de se demander où est passée la deuxième Princesse ! Elle tire sa - splendide et préférée - robe tâchée du sac, surgit derrière la jeune fille blessée et bousculée par Prya et lui enfile d'un coup la robe comme dans un manchon !

La tête et les bras coincés dans le tissu pourpre, elle serre autant qu'elle peu les rubans et la ceinture pour l'empêcher de s'en dépêtrer, puis la tire à coup de han et de mpfff... pour l'attacher à un arbre.

" - Et si tu me la déchires, ça va barder !" lui dit-elle encore en lui dégageant quand même un peu la tête.
C'est à ce moment là que la voix de l'autre pirate retentit et appelle Jud... C'est que eux aussi, ils sont 2 !